La présidentielle 2014 entre bruit médiatique et réalités

24/01/2014 - 14:35


C’est fait. Le 15 janvier, les Algériens seront fixés. Abdelaziz Bouteflika devrait, conformément à la loi électorale publiée en janvier 2012, convoquer le corps électoral trois mois avant la date du scrutin présidentiel qui devrait avoir lieu le jeudi 10 ou le jeudi 17 avril. Et dans les jours suivant cette convocation, il devrait annoncer ou non sa candidature.
Par Hassane Zerrouky
 Pour l’élection présidentielle du 9 avril 2009, le corps électoral avait été convoqué le 7 février. Cinq jours après, le 12 février, Bouteflika annonçait sa candidature. Quant à la révision constitutionnelle, qui devrait être adoptée et publiée avant l’élection présidentielle, les autorités semblent en avoir fait leur deuil. Pourtant, une commission a bien été installée le 8 avril dernier. Et mieux, elle a rendu son rapport le 17 septembre. Ensuite rien. Toujours est-il que l’on voit mal le pouvoir politique organiser en l’espace de trois mois deux scrutins, l’un pour faire adopter la révision constitutionnelle par référendum et le second pour élire un président de la république ! Et au deuxième et dernier conseil des ministres du 30 décembre 2013, Abdelaziz Bouteflika s’est borné à dire du bien du travail effectué par son Premier ministre. Il n’a ni évoqué l’élection présudentielle ni fait part de ses intentions. 
Pourtant, dans les semaines ayant suivi son retour au pays le 16 juillet dernier après une hospitalisation qui a tenu le chef de l’Etat éloigné des affaires durant 80 jours, la question du quatrième mandat était revenu au premier plan. Et dans cette perspective, ses plus chauds partisans avaient repris espoir et tenté de vendre aux Algériens avec la complicité des gouvernants socialistes français l’image d’un président au mieux de sa forme. Et il avait suffi de trois actes majeurs pour donner à voir qu’il fallait compter avec lui. Fin août, Amar Saidani, proche parmi les proches du clan présidentiel, était élu dans des conditions contestées à la tête du FLN en crise depuis plus de deux ans. Début septembre, il opèrait des changements au DRS dont plusieurs attributions étaient transférés à l’état-major de l’armée, plusieurs officiers étant mis à la retraite. Dernier acte, le 11 septembre, un remaniement ministériel qui voit le départ de dix ministres et la nomination aux postes clés (Intérieur et Justice) de deux membres de la garde rapprochée du président, Taieb Belaïz et Tayeb Louh. D’aucuns ont alors interprété ces changements comme une reprise en main dans la perspective du quatrième mandat. 
S’ensuit une sorte d’euphorie politique. L’annonce faite par Bouteflika lui-même à Sétif le 8 mai 2012 que le temps était venu de laisser la place, est mise entre parenthèses. En verve, Amar Saidani convoque le CC du FLN, fait adopter sans débat une résolution appelant Bouteflika à se porter candidat, avant de faire le tour des mouhafadhas pour valider la candidature du président sortant. Mieux, il multiplie les contacts avec certains partis, dont le FFS, dans le but de constituer une large alliance autour du choix du FLN et, au passage, s’en prend au Premier ministre après avoir qualifié le DRS de "faiseur de rois" ! Son allié le RND n’est pas en reste. Le 2 novembre, 14 jours avant qu’Amar Saidani ne réunisse la direction du FLN, le président du Sénat et patron par intérim du RND, Abdelkader Bensalah, lance un appel à Abdelaziz Bouteflika à se porter candidat expliquant qu’il s’agit d’« une reconnaissance envers tous ceux qui ont servi le pays en toute sincérité et avec fidélité ». D’autres ministres et personnalités proches du clan présidentiel leur emboitent le pas. 
Toutefois, la fête en faveur du 4e mandat aura été de courte durée. Fin novembre, premier à tirer, Amara Benyounès, le ministre du développement industriel et de la promotion des investissements et secrétaire général du MPA (Mouvement populaire algérien), chaud partisan à un moment donné du 4 éme mandat, assure sur France 24 que la révision constitutionnelle n’aura pas lieu avant l’élection présidentielle ! Deux jours après, à Oran, le 30 novembre, intervenant devant les cadres du RND, Abdelkader Bensalah parle de tout sauf de la candidature de Bouteflika à un quatrième mandat. Quant au Premier ministre, il se bornait à louer le bilan de son supérieur sans évoquer lui aussi la candidature du chef de l’Etat pour 2014 ! Autre chaud partisan du 4 éme mandat, Amar Ghoul le président du TAJ (issu d’une dissidence du MSP) qui se fait tout à coup très discret. Entretemps, Amar Saidani, qui a occupé la scène politique durant deux mois au point où certains journalistes amusés guettaient ses sorties, disparait des écrans, avant de réapparaître le 21 décembre à Batna : il est pour l’heure le seul à promouvoir la candidature de Bouteflika. Quant aux 151 membres du Comité central du FLN (El Watan) décidés à lui faire "la peau" avant le 15 janvier, personne n’y croit. En bref, en deux mois on est passé de l’emballement à l’expectative et aux interrogations. 
Au-delà du bruit médiatique autour de la question de savoir si Bouteflika se présentera ou non, il est un fait qu’on ne peut éluder. Par rapport au scrutin présidentiel de 2009, l’élection présidentielle de 2014 aura lieu (si elle est maintenue) dans un contexte de tensions régionales et nationales exacerbées. Du fait des crises, tensions et menaces existantes à ses frontières est et sud – la prise d’otages d’In Aménas en est un exemple – conjuguées au plan interne à la montée des tensions sociales notamment du fait de politiques néo-libérales débridées, à une menace terroriste persistante, avec en toile de fond une culture démocratique faiblement ou pas enracinée, de déni identitaire et démocratique, d’instances élues non représentatives et de répression des libertés et, l’Algérie n’est pas à l’abri d’un risque sérieux de destabilisation. Le fait que les autorités ne veuillent pas voir la crise du M’Zab comme le symptome d’un malaise socio-identitaire profond est en soi significatif.
Pourtant des noms sont susurrés ou avancés pour la succession de Bouteflika. Parmi eux, Abdelmalek Sellal qui prend de plus en plus d’assurance. A travers la multiplication de visites à l’intérieur du pays, il donne l’impression de s’essayer au pénible exercice de prétendant à la magistrature suprême. Est-ce lui qui a été choisi par les cercles du pouvoir ? On verra. Ahmed Ouyahia, qui s’est vu dans la peau d’un calife à la place du calife, en sait quelque chose : démissionné de son poste de chef du gouvernement puis contraint de laisser sa place à la tête du RND ! 
L’autre question incontournable est celle de savoir si cette présidentielle va changer quelque chose. Ce qui est sûr est que l’AVC du chef de l’Etat et le contexte géo-politique et national tendu évoqué ci-dessus, ne plaident objectivement pas pour la reconduction d’Abdelaziz Bouteflkika à la tête du pays. Ce qui est sûr également c’est qu’une fois que les cercles dirigeants se mettront d’accord sur un nom pour succéder à Bouteflika, l’heureux promu n’aura qu’une seule et unique tâche, redonner un énième souffle à un système moribond moyennant des améliorations à la marge. Et en conséquence, ce scrutin présidentiel risque de ressembler comme un frère au précédent : ce sera une élection fermée. 
Quant aux Algériens, on peut affirmer sans risque de se tromper qu’ils n’ont pas la tête aux élections. 
H. Z.