La résistance aux réformes fragilise sérieusement le système algérien de santé

10/06/2014 - 3:48


Le plan d’action du gouvernement Sellal 3, qui comporte 12 feuillets dans sa version diffusée par l’APS, consacre à peine une centaine de mots pour le volet de la santé.
 
Dans le plan rendu public, il est écrit que « les efforts seront axés sur l'humanisation des rapports entre le corps médical et les patients et sur l'amélioration des conditions d'accueil » et que « le Gouvernement poursuivra la réalisation des nouvelles infrastructures de santé ». Abdelmalek Sellal a également promis une nouvelle loi sanitaire, bloquée depuis 2010 par les services du ministère du Travail et la Caisse nationale d’assurance sociale (CNAS) précisément, qui préfèrent maintenir les tarifications de 1986, dans le remboursement des actes médicaux.
Pour le docteur Kamel Sellam, du Syndicat National des Praticiens de la Santé Publique (SNPSP) et spécialiste en médecine du travail, l’humanisation des pratiques dans nos structures de santé ne peut pas être réglé par la simple formation d’agents d’accueil. « Quand vous êtes chaque jour désarmés devant des malades par manque de moyens à l’hôpital, l’accueil tend à relever d’une forme de coquetterie suspecte, » a-t-il dit. « Je ne parle pas du service des urgences où le personnel médical est exposé à la « décompensation » devant les situations quotidiennes qu’ils vivent,» ajoute-t-il.
En matière de santé, les statistiques des dépenses en soins comparées au PIB, sont en régression. Cette tendance est nettement illustrée par les budgets de santé des deux dernières années : 405 milliards de dinars en 2012, soit 11.250 dinars par personne et 307 milliards de DA en 2013, soit 8.528 dinars par personne. Durant l’année écoulée, l’Etat a consacré l’équivalent de 82 euros pour chaque citoyen, pendant que la France, où se soigne une partie des dirigeants algériens, a consacré 3.400 euros pour apporter des soins corrects à chacun de ses citoyens. L’écart est abyssal, sans compter le volume et la qualité des infrastructures déjà existantes dans l’hexagone.
La réforme de la santé abandonnée
Pour les professionnels du secteur, l’impasse de la politique algérienne en matière de santé est « systémique ». Pourtant, au début des années 2000, les pouvoirs publics avaient affiché une volonté – en tout cas dans le discours - pour une réforme de ce système. Mais au fur et à mesure que les rentrées d’argent augmentaient, avec des prix des hydrocarbures portés au plafond sur le marché mondial, le gouvernement s’est contenté d’allouer des enveloppes budgétaires.
Plus tard, cette reforme est devenue une simple réforme hospitalière, évoquée une énième fois dans le nouveau plan d’action du gouvernement Sellal.
A titre indicatif, le président du SNPSP insiste sur le fait que le financement de notre système algérien de la santé est financé par trois sources : les dotations budgétaires de l’Etat, un forfait hospitalier de la Sécurité Sociale,et une participation des ménages.
Un système de santé fragile
Or, une économie basée sur la rente, comme la nôtre, entraine automatiquement une abondance de plans de développement, ou des coupes sombres dans les allocations lorsque cette rente se rétrécit. Un scénario déjà vécu par les hôpitaux algériens à la fin des années 80, avec des pénuries de médicaments et des problèmes de maintenance du matériel. En outre, un tel système s’adapte mal à l’introduction de technologies nouvelles de plus en plus coûteuses, dont en fin de course, les ménages eux mêmes sont contraints de supporter les coûts générés.
L’OMS estime que lorsque la part des ménages dans les dépenses de soins dépasse les 50%, le système risque de s’écrouler.
Selon le docteur Ahmed Benagouech, psychiatre installé à Chlef, il n’existe pas de statistiques fiables en Algérie, mais il est aisé de constater que les actes les plus coûteux, comme les analyses médicales, les radiologies, les scanners …etc. sont généralement pris en charge par les patients eux-mêmes. Les montants pris en charge par la CNAS sont qualifiés de « ridicules », du fait du maintien de la nomenclature des actes en leur état depuis 1986.
Effets d’annonce
Pour les professionnels du secteur, l’absence dans les média, de compte-rendus des souffrances endurées par les malades du cancer, ou des prises en charge défaillantes dans les services des urgences des hôpitaux algériens, n’est qu’un répit. Elle est induite par « une forme d’essoufflement du mouvement des praticiens,» et une conjoncture où la presse privilégie des dossiers plus proches des luttes politiques dans le sérail. Mais ils ajoutent que l’activisme du ministre de tutelle, Abdelmalek Boudiaf, pour annoncer coup sur coup la construction d’hôpitaux avec la passation de marchés de gré à gré, et la programmation de centres régionaux de radiothérapie, ne pourront rien si les coûts réels des actes médicaux ne sont pas cernés et la nomenclature des tarifs de remboursement ne sont pas mis à jour par la CNAS. « Sinon, il ne servirait à rien de déclarer que la médecine est gratuite, pendant que les petites gens se ruinent pour se soigner, » conclut le docteur en psychiatrie.