Protection du consommateur et régulation, les points faibles des TIC en Algérie

30/01/2014 - 10:14


L'ARPT a du mal à assumer son rôle de régulateur devant la puissance et l'influence des opérateurs de téléphonie (DR)
 
Younès Grar est perplexe. Dans une Algérie où le potentiel de développement des TIC a une marge encore importante, les paradoxes sont si nombreux que le doute s’installe. Et cet expert reconnu, plutôt réservé, finit par s’interroge sur les faibles performances de certains acteurs du secteur, à commencer par l’ARPT, l’Agence de régulation des Postes et Telecom, qui doit prononcer les arbitrages nécessaires pour la bonne marche du secteur.
L’avènement de la 3G, depuis décembre, a remis en selle l’ARPT, alors que les difficultés de la téléphonie mobile et de l’internet, deux secteurs qui contribuent peu à la croissance économique du pays, étaient jusque-là occultés. Younès Grar rappelle qu’il appartient à l’ARPT de « veiller au respect des règles du jeu », particulièrement en période de crise et de difficultés.
Il note pourtant que l’ARPT s’est montrée discrète, malgré des difficultés sérieuses éprouvées par les abonnées sur le réseau. « Même pour la voix, il y a eu de sérieux dysfonctionnements de réseau », avec des problèmes récurrents de « congestion», a t-il déclaré à Maghreb Emergent. En mai-juin, le réseau Nedjma, devenu depuis OOredoo, a connu des perturbations importantes, reconnues par l’opérateur lui-même. Le patron d’OOredoo, Joseph Ged, les avait alors imputés aux manipulations techniques nécessaires pour adapter le réseau à la 3G. L’ARPT n’avait toutefois pas réagi.
Doutes sur la couverture réseau
M. Grar a aussi « mis en doute » la couverture réseau de certains opérateurs. Sans pouvoir avancer des éléments précis, qui nécessitent des opérations techniques, il a déclaré qu’il est permis d’affirmer qu’en de nombreux points du pays, la couverture réseau n’est pas conforme aux règles édictées par l’ARPT.
Jusqu’au lancement de la 3G, l’ARPT est « très peu intervenue ». Mais depuis deux mois, elle se montre plus présente, même si ses décisions provoquent une certaine perplexité. Ainsi, l’ARPT a surpris tout son monde en décidant, en décembre, d’imposer aux opérateurs de téléphonie mobile une carte SIM séparée pour l’accès à la 3G. Une décision d’autant plus « étonnante », selon Younès Grar, que l’ARPT promet de la lever dans six mois. Ce qui le pousse à s’interroger sur l’utilité d’une telle mesure. S’agit-il de ralentir encore la 3G, pour permettre à Djezzy, détenu par le russe Vimplecom, de régler ses contentieux avec l’Etat algérien ? Younès Grar considère l’hypothèse plausible, car « il ne voit pas d’autres raisons » pour justifier cette mesure. « Il y a des intérêts en jeu », avec peut-être, « une volonté d’attendre » Djezzy, soutient-il.
E-paiement et transparence
Le lancement de la 3G donne, quant à lui, des résultats mitigés. A côté d’excellents débits dans certains endroits, il y a de nombreuses zones, où la connexion est difficile, et le débit insignifiant. Deux consultants indépendants ont confirmé cette inégalité dans le débit. « Cela dépend notamment de la distance entre l’abonné et la balise de relais », nous a dit l’un d’eux. « Plus on est éloigné, moins le débit est bon ». L’ARPT n’a pas publié de communiqué sur la question.
Le retard dans la généralisation du paiement électronique est également injustifiable pour Younès Grar. En refusant ces moyens modernes, « les gens ne veulent pas de transparence», dit-il.
Il se demande aussi comment l’administration peut se tromper autant dans son évaluation du marché, alors que la téléphonie mobile a révélé le formidable gisement algérien. L’ARPT a évalué la demande en abonnements 3G à trois millions en cinq ans. Ce chiffre devrait être atteint en une année. Avec un tel écart, il y a de quoi partager la perplexité de Younès Grar.